VENDRE DES SéJOURS à L’HôTEL, LE NOUVEAU FILON DES COMPAGNIES AéRIENNES

La nouvelle poule aux œufs d’or ? Depuis quelques années, les compagnies aériennes se mettent à vendre des packages comprenant des vols et des séjours. Une nouvelle activité pour elles. « Cette formule du tout compris semblait vouée à la disparition depuis la fin des années 1970. Mais depuis le Covid, elle revient en force », affirme Stuart Hatcher, chef économiste de la société d’analyses de données aéronautiques, IBA. Selon Euromonitor, ce marché des séjours packagés aura généré 117 milliards de dollars (102 millards d’euros) en Europe cette année ; et cette somme va grimper de 11%, pour atteindre 125,9 milliards de dollars en 2025. EasyjetAir France, Turkish Airlines, Qatar Airways, Transavia, la compagnie anglaise Jet2... la liste de transporteurs aériens qui investissent ce créneau n’en finit pas de s’allonger. 

Mais c’est Easyjet qui s’en tire incontestablement le mieux comme le montrent ses excellents résultats financiers de l’exercice 2023-2024 clos fin septembre communiqués ce mercredi. Si la compagnie a dégagé 610 millions de livres (731 millions d’euros)de profit avant impôt, elle le doit en grande partie à son activité Easyjet Holidays qui a généré 31,5% de cette manne. La croissance pour Easyjet Holidays est de 56% par rapport l’exercice précédent. Et la compagnie ne compte pas s’arrêter en si bon chemin : elle escompte en 2025 augmenter de 25% le nombre de ses clients d’Easyjet Holidays, qui ont été 2,6 millions lors de cet exercice.

Une sacrée performance d’autant plus que cette offre packagée (vols + hôtel) n’a été lancée qu’en 2019. Soit bien après la naissance de la compagnie - elle a été créée il y a presque trente ans. Ce créneau est très rentable car Easyjet Holidays cumule les deux marges : celle de la compagnie aérienne et celle d’un agrégateur de nuit d’hôtel. « En moyenne, nous gagnons six à sept livres (7,19 euros à 8,39 euros) sur un billet d’avion, contre 67 livres soit 80,20 euros sur Holydays », explique Gary Wilson, directeur général d’Easyjet Holidays. 

Disparition de Thomas Cook

Il faut dire que la low cost s’est lancée au bon moment. « La disparition de Thomas Cook qui a fait faillite, a laissé de la place pour un nouvel acteur », souligne Gary Wilson. Et elle a choisi le marché le plus friand en Europe de vacances packagées, le Royaume-Uni. Easyjet joue de ses atouts : la compagnie, qui dessert 1 000 destinations avec des fréquences élevées, offre à lui tout seul davantage de places dans les avions que ses deux principaux concurrents ensemble sur le marché anglais du voyage packagé (TUI et Jet2). « Nous pouvons avoir six vols par jour pour Majorque quand les autres en ont quatre par semaine », illustre Gary Wilson. 

De plus, les clients ont la possibilité de choisir ce qui leur convient : séjour en famille ou en couple, au soleil ou dans une grande ville, animations ... Un couple avec deux enfants de 7 et 10 ans veut partir une semaine pour une destination soleil du 15 au 22 février 2025 au départ de Londres ? Plusieurs dizaines de proposition s’affichent, qui vont du séjour dans un hôtel trois étoiles à Lanzarote aux Canaries pour 697 livres par personne (868 euros pour hôtel et vol) au cinq étoiles à Hurgada en Egypte pour 996 livres par personne(1 194 euros). Tout cela souvent assorti de réductions. Pendant le Black Friday, nombre de packages bénéficient au global de 200 livres (240 euros) de ristourne. 

« Dans 75% des cas, nous sommes moins chers que les autres », estime Gary Wilson. Vu sa notoriété, Easyjet n’a pas trop besoin de faire de la publicité. Il pousse ses offres auprès de ses clients qui ont confiance dans la marque. Toutes les réservations se font par Internet. Et, à la différence de beaucoup de tour-operators, la compagnie ne dispose pas de représentant local dans ces lieux de villégiature. Ce qui réduit ses coûts. 

Ryanair en embuscade

Cette formule plaît aux consommateurs : sur les trois millions de passagers qui ont utilisé ses services depuis 2019, 81% sont prêts à réserver à nouveau un séjour sur Easyjet Holidays. Résultat, le groupe affiche une part de marché de 7% parmi les tour-opérateurs au Royaume-Uni, contre 2% en 2019. 6% des sièges sur les avions d’Easyjet sont réservés via Easyjet Holidays. Et, cette année, le groupe a lancé son offre packagée (vols + hôtels) en Allemagne, en Suisse et en France. « Pour le marché français, nous avons ajouté la Corse », illustre Gary Wilson. 

Cette réussite a donné des idées à d’autres low cost. Notamment à Ryanair, pour le moyen terme. « Je n’exclus pas la création d’un pôle vacances. Ce produit est probablement un moyen raisonnable de facturer des tarifs et des rendements plus élevés », estime son truculent patron, Michael O’Leary. Pour l’instant, il préfère se concentrer sur son activité de compagnie aérienne. 

Air France accélère

Transavia, elle, a véritablement lancé son offre de voyages packagés en 2021. Toujours avec le même raisonnement. « Nous avons une marque forte qui inspire confiance. Et vendre un package permet de marger sur le vol et sur le séjour hôtelier », estime Nicolas Henin, son directeur général adjoint. Pour percer, elle peut jouer sur sa place de leader au départ de Paris sur des destinations en Europe du Sud (Espagne, Italie, Portugal...) mais aussi dans le bassin méditerranéen (Maroc, Tunisie...). Et un spécialiste du référencement d’hôtels, Perfectstay, travaille en marque blanche pour la low cost française. 

Résultat, un couple qui veut partir en Tunisie mi-mars pour une semaine a le choix entre une trentaine de propositions à prix accessibles, allant de 257 euros la semaine par personne tout compris jusqu’à près de 1 000 euros. Suivant la localisation (Monsatir, Djreba, Sid Bou Said) aux prestations de l’hôtel. « Nous allons tripler nos revenus avec ces offres packagées », souligne Nicolas Hénin qui ne veut pas en dire plus sur les performances chiffrées. Les principales améliorations : faire connaître au consommateur cette activité jusqu’ici assez confidentielle et la rendre plus visible sur le site.

Air France n’est pas en reste. En 2024, elle a élargi son offre de séjour (vol + hôtels), profitant notamment de son réseau long-courier pour proposer des produits tout compris au-delà des océans : par exemple, sept jours à New-York dans un quatre étoiles pour 1 100 euros par personne. Ou 986 euros pour une semaine à l’île Maurice. « Cette année, nos ventes sur ces produits ont augmenté de 30% à 40% », souligne Bouchra Kaabouz, responsable de la stratégie commerciale chez Air France qui n’en dit pas plus sur le sujet.

La preuve que cette offre séduit aussi bien les compagnies low cost que les généralistes. 

2024-11-27T11:43:29Z