ÉDITORIAL. LA NOSTALGIE EST TOUJOURS CE QU’ELLE éTAIT…

Pour une majorité de Français, ballottés dans une société qu’ils jugent compliquée, violente, loin du vivre-ensemble, on entend aisément la recherche d’une forme d’apaisement, de respiration…

C’est une plongée nostalgique qui s’est jouée ces dernières semaines. Par une photo ? Une odeur ? Une chanson ? Non. Par la commémoration des 50 ans de la mort de l’ancien président de la République Georges Pompidou. Se souvenant de cette « France des Trente Glorieuses », nombre d’observateurs ont analysé en quoi cette période de réindustrialisation affirmée, de croissance notable et de taux de chômage maîtrisé, s’érigeait en une illustration du fameux « C’était mieux avant ». Quelques jours après l’annonce d’un déficit public record en France, la comparaison a fait mouche.

Et pour cause, analyse le politologue Brice Teinturier (1) : « La France d’aujourd’hui, angoissée, repliée, fracturée, fatiguée – la fatigue est l’une des émotions les plus citées par les Français pour s’autodécrire – est le miroir inversé de la France pompidolienne. »

Un sentiment que l’on retrouve dans le douzième « Rapport mondial sur le bonheur », parrainé par l’Onu, dévoilé en mars dernier. La France n’arrive que 27e, alors qu’elle était classée 21e l’année précédente. Pour élaborer ce classement, six facteurs ont été retenus : le soutien social, le revenu, la santé, la liberté, la générosité et l’absence de corruption.

Dans ses conclusions, une maigre consolation à retenir : les formes de gentillesse quotidienne, comme « faire un don à une association caritative ou faire du bénévolat », sont, dans le monde, au-dessus des niveaux d’avant la pandémie de Covid (2).

Angoisse face à l’urgence climatique, difficultés économiques quotidiennes, guerres… Pour les Français ballottés dans une société qu’ils jugent compliquée, violente, loin du vivre-ensemble, on entend aisément la recherche d’une forme d’apaisement, de respiration, de calme… Et donc la tentation d’aller chercher du réconfort dans des époques dites bénies. Même si la loupe du temps a tendance à présenter trop souvent une période sociale, économique et géopolitique passée en réalité trop parfaite…

Alors que faire ? S’autoriser cette recherche de réconfort, évidemment. La musique, les films, les livres, les heureux souvenirs familiaux en photos… offrent autant de moments précieux pour se « ressourcer ».

Mais sans oublier sans doute de se rapprocher du conseil d’un spécialiste, dont on commémorera aussi dans quelques jours la disparition, il y a cinquante ans : celle de Marcel Pagnol, écrivain et cinéaste, qui a fait revivre sa jeunesse au fil de ses écrits et de ses films.

L’auteur de La gloire de mon père avait en effet son point de vue sur la nostalgie : « La raison pour laquelle tant de gens trouvent qu’il est si difficile d’être heureux, c’est qu’ils imaginent toujours le passé meilleur qu’il ne l’était, le présent pire qu’il n’est vraiment et le futur plus compliqué qu’il ne le sera. » C’est peut-être de cette nostalgie-là dont il faut tout de même se méfier…

(1) Directeur général délégué d’Ipsos dans le 1 hebdo, mercredi 3 avril 2024, Numéro 490.

(2) L’Express, le 20 mars 2023.

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